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L'Albanie en caravane
25 juillet 2014

Voyage dans le passé grec de l'Albanie

Nous débutons notre deuxième semaine, nous sommes désormais bien acclimatés à l’ambiance si particulière de l’Albanie, avons pris nos marques et nous nous sentons parfaitement à l’aise. En même temps, comment ne pas l’être vu la gentillesse des personnes que nous rencontrons ? Au camping Berat, la gérante ne fait pas exception. Nous discutons un peu - elle parle un peu anglais - des difficultés à tenir son camping, pour cause de manque de moyen, de coupure intempestive de courant, du manque d’eau aussi. D’ailleurs, elle a dû se payer son propre réseau privé pour ne pas en faire manquer ses clients. Malgré ses problèmes, le camping est irréprochable. La propreté des sanitaires donne le sentiment d’« être à la maison ». Nous n’avons pas l’impression d’être des clients, mais des invités.

 

 Camping Berat Camping Berat
Camping Berat comme à la maison

 

Nous avons le choix entre deux routes pour rejoindre Fier. Celle que nous avions empruntée à l’aller, défoncée par les travaux et la Sh73 qui pourrait nous faire gagner trente kilomètres. Notre hôte nous la déconseille vivement. Elle est encore pire nous assure-t-elle. Pire que pire, c’est quoi ?

 

Capture


Plus familiarisés avec les routes albanaises, nous trouverons le retour moins pénible, d’autant plus que nous sautons un bon bout de la mauvaise route de Lushnjë, remplacée par une rocade flambant neuve que nous n’avions pas vue à l’aller. Nous traversons la grande plaine agroindustrielle du district de Fier. Ici aussi les stations-services poussent mieux que les champignons. D’autant plus que la région est une zone pétrolifère.
Fier est une ville sans charme aux grandes artères coupées au cordeau. N’ayant que très peu d’argent liquide, nous cherchons une pompe acceptant les cartes bleues. Je m’arrête à l’une d’entre elles qui arbore fièrement ses macarons Visa, Master card, Cb… mais le pompiste m’avertit de suite : «only cach» ! Je lui montre alors les macarons et il me sourit, me faisant comprendre que ce n’est que de la déco. Il sera extrêmement rare de trouver des stations équipées de terminaux de cb. En Albanie, il vaut mieux avoir le portefeuille bien garni sous peine de se retrouver rapidement coincé.
Si à l’entrée de la ville nous avons aperçu les panneaux indiquant Apollonia, le site antique que nous voulons visiter, une fois dans les rues chaotiques, le jeu de piste démarre. C’est une véritable course d’orientation que nous entreprenons. Et avec une caravane, même pliante, accrochée à la voiture, ce n’est pas une sinécure de se sortir des rues encombrées par des voitures garées en double, voire triple file, de dépasser des charrettes tirées par des mules, d’éviter les bouches d’égouts dont les grilles ont disparu et qui sont de véritables pièges à roue, de laisser passer piétons, enfants, chiens errants qui traversent sans regarder, et de défier du regard tous les habitants qui vous dévisagent en se demandant qu’est-ce qu’on est bien allé faire dans cette galère. Et après quelques demi-tour, contre-tour, aller-retour, nous parvenons enfin à nous retrouver, je ne sais trop par quel miracle - si ce n’est mon sens inné de l’orientation - sur la route d’Apollonia.

 

 

Situé sur deux collines, le site archéologique de l’ancienne Apollonie d’Illyrie jouit d’une situation remarquable avec vue sur les anciens marais insalubres et les reflets de l’adriatique. Cette cité plonge ses racines dans la Grèce antique. Fondée par des colons de Corcyre et Corinthe en 600 av J-C, elle se développe progressivement et devient sous la domination romaine, une ville importante. Le futur empereur Auguste, y étudiera même quelques mois dans sa jeunesse. Puis, un long déclin fera d’Apollonia une cité oubliée. Ce n’est qu’après la première guerre mondiale que des équipes d’archéologues, dont celle du français Léon Rey, mettront à jour les restes de la cité antique.

 

La vue du siteLa vue du site d'Apollonia

 

Aujourd’hui, le site est écrasé par la chaleur et le chant de millions de cigales. Même les gardiens semblent faire la sieste, nous entrerons gratuitement. Un plat avalé au restaurant et nous partons à la découverte de la ville antique. Il n’y a pas de choses spectaculaires à voir. Le Bouleutérion, symbole de la ville, avec son portique reconstitué est sans doute l’élément le plus remarquable. Mais c’est surtout l’impression d’ensemble qui mérite largement le détour. Le site s’étend sur une grande aire qui n’a, semble-t-il pas encore été entièrement fouillée. On se balade à travers les vestiges avec le sentiment d’être un archéologue en herbe. Rien n’est encore sous cloche. Plusieurs sites archéologiques albanais sont encore très largement sous exploités. C’est sans aucun doute ce qui en fait tout leur charme, même si, comme pour cette mosaïque découverte il y a peu, cachée à la vue avec une bâche de protection, cela peut aussi être l’objet de quelques frustrations.

 

Apollonia
Le Boulleuterion avec le monastère à l'arrière plan

 

DSCF2247.JPGL'Odéon et le Boulleuterion

 

Apollonia
Sur les vestiges

 

Apollonia
Les remparts

 

Le site est un « highlight » de l’Albanie. Les robes blanches et meringuées des mariées nous le prouvent. Chaque lieu touristique que nous visiterons sera l’occasion de voir les séances de shooting d’un mariage. C’est une véritable institution dans le pays. On ne badine pas avec ça, et les jeunes mariées font l’objet de toutes les attentions des photographes et cameramen qui les suivent et les dirigent pour avoir les meilleures images de cette journée historique.  Dommage que l’attention ne soit pas portée à la préservation des lieux. Après avoir bu quelques gouttes de champagne dans des coupes en plastiques, les invités les objets abandonnent aux pieds des colonnades antiques. This is Albania !

 

Mariage à Apollonia
Mariée en pose

 

Apollonia

 

Au sommet de la colline, au milieu d’oliviers centenaires où logeait les équipes de Léon Rey, dominant tout le site avec une vue merveilleuse, se tient une agréable terrasse d’un café avec ses tables et chaises en bois. Un endroit charmant pour boire une bière fraîche tout en appréciant l’architecture du monastère orthodoxe d’Ardenica qui se détache en contre bas.

 

Apollonia
La terasse du café

 

Le monastère attenant au site antique, avec son église de Saint-Marie, vaut à lui seul le voyage. Bâti avec les matériaux tirés d’Apollonia, les colonnades de son portique, les pierres assemblées, des inscriptions grecques incrustées sur les murs, des statues antiques intégrées, il dégage une magnifique élégance. Au centre d’une cour triangulaire, l’église, baignée de lumière, invite à la visite. A l’intérieur, les yeux ont besoin d’un temps d’adaptation pour s’habituer à la pénombre. Puis, l’iconostase dévoile ses couleurs vives et invite à la contemplation - et sans doute à la méditation pour les croyants. Plus terre à terre, c’est la fraîcheur qui nous fait rester un petit moment à l’intérieur.

 

Monastère d'Ardenica
Ardenica

 

DSCF2292.JPG
Intérieur de l'église

 

Ardenica

 

Le monastère abrite également un petit musée où peuvent se découvrir le résultat des fouilles. Il est toujours émouvant d’observer des objets du quotidien, vases peints, jouets, bijoux, outils, armes etc… ayant appartenu à nos ancêtres. Je suis d’ailleurs toujours étonné de constater à quel point, à travers ces objets, nous nous ressemblons.

Musée Musée

Musée

Musée
Différentes pièces du Musée

De Fier à Vlorë, nous roulons sur la nouvelle autoroute, l’A 2. Bon, en Albanie une autoroute n’empêche pas vélo, âne, mobylette ou piéton de circuler librement. C’est la petite touche folklorique du pays. Nous longeons une vaste lagune avec des marais salants, elle marque la fin de la plaine. Au sud se dessinent maintenant des hauts sommets qui viennent plonger sur la « Riviera de Vlorë ». 
Vlorë, la Valona italienne n’est séparée que de 70km des côtes des Pouilles. En face, c’est le talon de la botte. L’Albanie, c’est vraiment le sud de l’Est. Dans la merveilleuse baie de Vlorë, protégée par la péninsule du Karaburum, l’adriatique cède la place à la mer Ionienne. La Grèce se rapproche.
Première capitale du pays, Vlorë est à l’image de Durrës, une ville en transformation. Les immeubles en construction sont pléthore. Pour les albanais, la ville est à jamais le berceau de l’indépendance. En effet, dans les frémissements qui allaient engendrer la « Grande Guerre », l’Albanie, encore sous domination turque, se sépare de sa tutelle pour proclamer son indépendance le 28 novembre 1912 à la suite des « guerres balkaniques ». Les grandes puissances, lors du traité de Londres qui met fin à l’Europe ottomane (1913), reconnaitront l’indépendance du pays, mais les frontières qui sont fixées excluent de fait la moitié de la population albanaise qui vit sur les territoires limitrophes. Aujourd’hui encore, dans l’ouest de la Macédoine, au sud du Monténégro, dans le nord de la Grèce, et bien entendu au Kosovo, les albanais sont majoritaires mais en dehors de l’état nation. Cet imbroglio ethnico-politique fixe définitivement l’Albanie dans les Balkans, alimentant toujours le rêve de la Grande Albanie qui se heurte de fait aux autres rêves de grandeur des nations voisines.
Mais nous laisserons Vlorë et son histoire de côté, comme nous n’irons même pas jeter un œil à  Orikum qui se prévaut d’un site antique mais aussi de la base navale de Pasha Liman. Les soviétiques avaient installé à l’abri de la baie une base sous-marine hautement stratégique. Pensez donc, des sous-marins nucléaires à quelques kilomètres des côtes capitalistes italiennes. De quoi effrayer plus d’un anticommuniste. Mais voilà, Enver Hoxha décrétant que Khrouchtchev avait trahi la pensée marxiste et surtout Staline, la rupture entre les deux pays fût consommée, avec comme point d’orgue, la crise de Pasha Liman. L’URSS ne voulant pas quitter l’Albanie, ce qu’exigeait Enver Hoxha, on passa à deux doigts d’un affrontement armée entre deux pays… frères. Le grand écrivain albanais Ismail Kadare, relate cet épisode dans son roman « L’hiver de la grande solitude ». (1)

Nous ne nous arrêterons pas non plus dans l’une des nombreuses plages de galets qui ornent la côte. Terminées les longues plages de sables et le terrain plat. Ici, les petites baies ou criques rocheuses se succèdent. Toute la vie est tournée vers la mer et ses loisirs. La route quitte la côte pour s’aventurer dans le terres, mais surtout pour partir à l’assaut d’une des plus belles routes du littoral. Pour ne pas dire la plus belle. Véritable barrière climatique, la belle bande de bitume serpente dans la montagne, et s’enfonce dans le brouillard. L’air est frais. Les pins remplacent  rapidement les oliviers et nous nous retrouvons dans un environnement montagnard qui nous rappelle les Alpes Maritimes. La route grimpe sévèrement, et je dois passer les lacets en première. Le moteur gronde mais nous arrivons au sommet du col, le Llogara Pass, à plus de 1000m, en traversant la dernière nappe de brouillard. Là, se dévoile un panorama époustouflant. La montagne s’écroule dans la mer. Les monts Çika à plus de 2 000m forment une chaîne de montagne ininterrompue qui file vers le sud et la Grèce. La Grèce, dont on aperçoit dans la brume les contreforts de l’île de Corfou.  Mille mètres plus bas, la mer Ionienne dévoile toute sa beauté bleue que les plages de galets blancs viennent souligner. Magique.

Llogara Pass  Llogara Pass
Dans la brume du Llogara Pass

Llogara PassLa route plonge vers la mer

 

Llogara Pass
La mer ionienne

Llogara Pass
Les monts Çika


Il est un peu tard et nous dévalons prudemment le col. La route semble impressionnante mais comme elle est en excellent état, elle ne nous cause pas de problème particulier. Sur la route en corniche, nous traversons quelques villages à dominante blanche, et les croix ont remplacé les minarets. Des teintes bleutées sur des portes nous propulsent vers la Grèce voisine. Nous savons déjà que nous allons nous arrêter quelques jours dans le coin pour explorer tout ça.

A Himarë, nous plongeons vers la mer. Il y a deux campings sur la magnifique plage de Livadhi. Nous optons pour le Kranea (2). Et juste le temps de nous installer nous plongeons dans l’eau de l’Ionienne à la nuit tombée. Puis, quand même bien fatigués par cette longue journée, nous mangeons au restaurant du camping, des farcis de légumes et un tzatziki que ne renierait pas une grand-mère grecque de Corfou.

 

 Baignade dans la mer ionienne Baignade dans la mer ionienne

Baignade dans la mer ionienne Baignade dans la mer ionienne
Baignade dans la mer ionienne

 

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1 : Le livre de Kadare : L'hiver de la grande solitude

2 : Camping Kranea

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