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L'Albanie en caravane
22 juillet 2014

Berat, la ville aux mille fenêtres

Pour pouvoir me faire rembourser une partie des nuitées par mon CE, j’ai besoin d’une facture en bonne et due forme. Je demande au vieux s’il peut me la faire, mais il doit être fatigué par la nuit qu’il a passé, il parait assez contrarié et pas du tout conciliant. J’insiste pour avoir au moins un coup de tampon avec le cachet de l’entreprise sur le ticket de caisse qu’il peine à me lâcher. Il affirme qu’il n’en a pas, qu’il est à Tirana. Je pense que je lui ai ruiné la possibilité de ne pas nous « déclarer » et ainsi, de ne pas avoir à payer la tva.

Nous allons connaître notre vrai baptême du feu sur les routes albanaises avec la caravane. Nous prenons la direction de Berat, au centre du pays, à 80km environ.  Jusqu’à Lushnjë, nous ne serons pas surpris par la Sh4 - bien que nous verrons, au beau milieu de « l’autouroute », un type vendre son lapin en le tenant par  les oreilles à bout de bras. Ensuite, c’est une autre histoire, la trentaine de kilomètre pour rejoindre Berat est en travaux. Dans un nuage de poussière soulevée par les nombreux camions, zigzagant entre les trous des flaques asséchées, évitant les piétons, cyclistes, animaux divers, voitures  arrêtées ou roulant au pas, nous ne dépasserons jamais les 20km/h. Un bon moyen de tester ma dextérité à la conduite remorquée.

 

Berat 2


Le camping se trouve à une dizaine de bornes de Berat. Nous installons la « cara » dans le jardin d’une belle bâtisse classiquement carrée. Ses murs blancs immaculés et ses panneaux solaires détonnent un peu comparé aux autres maisons alentours. Le camping est une entreprise familiale et nous sommes royalement accueillis par le fiston qui nous offre un café frappé et des glaces pour les enfants.

 

Camping Berat
Au camping de Berat



Comme nous sommes installés en quelques minutes, nous pouvons rapidement partir chercher un bouiboui pour déjeuner. A Ura-Vajgurore - une petite bourgade dont le seul intérêt est de voir s’ébrouer la vie albanaise avec les hommes aux cafés, les enfants qui trainent dans les rues aux pieds de gros blocs décrépis de béton, des femmes discrètes - nous mangeons des bureks tout frais et des parts de pizza dans un tout petit fast-food local. Nous sommes finalement la petite attraction qui casse la routine de la population, avec la pluie qui commence à s’inviter sur la région.


Avant de partir à l’assaut de Berat, nous attendons tranquillement au camping que la tempête qui menace se dissipe. Le ciel est noir d’encre et le vent qui s’est levé n’indique rien de bon. Mais nous n’essuierons que quelques gouttes.

 

 


A notre arrivée à Berat, le soleil fait même de timides apparitions, comme pour nous saluer. Berat est l’une des deux villes albanaises inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco. Elle est un témoignage précieux et inestimable sur l’urbanisme ottoman dans les Balkans, et particulièrement en Albanie, où, il faut bien l’admettre les agglomérations urbaines  sont toutes modelées dans le même moule communiste. La ville albanaise est surtout un condensé de blocs à plusieurs étages, avec un plan plus ou moins en damier, sans réel « centre historique » autour d’un monument religieux ou d’un vestige historique. Les villes, avec leurs HLM en béton ou en briques rouges apparentes sont souvent en piteux état. Il s’en dégage une véritable impression de pauvreté, de tristesse parfois, contrecarré par le tumulte et les couleurs de la rue orientale.

A Berat, la ville nouvelle n’a pas anéanti le passé historique. La cité ottomane construite sur un verrou rocheux de la rivière Osumit se divise en trois identités bien distinctes. Sur la rive droite, le quartier Mangalem, le quartier musulman, dont les ruelles étroites, pavées et escarpées partent à l’assaut d’un éperon rocheux. Sur le plateau de cet escarpement, deux cent mètres au-dessus des toits de tuiles, s’étale la citadelle avec sa forteresse dont les premiers vestiges remontent au IVème siècle av JC. Enfin, en face de Mangalem, se déploie le quartier de Gorica qui était le quartier chrétien de la ville. Les deux entités sont reliées par deux ponts, dont un vieux pont ottoman. La ville nouvelle, elle, s’étend vers le sud, sur la plaine de la rivière et présente moins d’intérêt touristique, si ce n’est l’observation de la vie albanaise.

Dès le premier regard sur la ville, on est frappée par son unité architecturale à la nette dominante blanche. On n’appelle pas Berat la « ville aux mille fenêtres » pour rien. En effet, si la maison ottomane est massive, avec un soubassement aveugle en pierre de taille qui donne sur la rue, l’étage en encorbellement badigeonnée à la chaux dégage une série de plusieurs fenêtres encadrées de bois. Les toits à quatre pans, recouverts de tuiles sombres, rehaussant encore plus les rangées de fenêtres alignées et l’image d’une cité blanche. Autre intérêt non négligeable de cette ville-musée, c’est le regard qui embrasse en un coup d’œil la tolérance religieuse. Mosquées et églises orthodoxes se côtoyant. 

 

BeratBerat, la ville aux milles fenêtes


Garés au pied de la citadelle, nous  empruntons la longue rue raide et pavée qui mène l’intérieur des remparts. Avec les quelques gouttes, les pavés lustrés sont glissants. Une mémé surgie de nulle part vient carrément nous engueuler et nous oblige à tenir la main aux enfants.  Puis, elle embrasse goulument les joues de Sophie en signe d’affection. Une scène qui se répète souvent dans nos voyages.

En montant à la citadelle  En montant à la citadelle

Les remparts de la citadelle
Vers la citadelle


Nous pénétrons dans la citadelle par une grande porte. Derrière les remparts se dévoile un petit village un peu hors du temps. La citadelle de Berat a ceci de remarquable qu’elle continue d’être habitée et que la vie semble s’y dérouler calmement. Loin, très loin, des villes-musées touristiques  de notre Europe occidentale. A part quelques chats craintifs et des autochtones qui nous saluent timidement, nous sommes quasiment les seuls à nous balader entre les maisons blanchies à la chaux dont les jardins intérieurs sont de véritables vergers (raisins, figues, grenades).

 

Porte de la citadelle

 

Maison ottomane Les murs blancs de la citadelle

 

Rue de la citadelle

Rue de la citadelle
Dans les rues de la citadelle de Berat

 

En suivant les remparts crénelés nous parvenons à la pointe de la forteresse d’où la vue est saisissante. Mangalem et Gorica qui se font face sont comme deux sœurs jumelles. Clochers et minarets se complètent. La ville nouvelle déploie ses tentacules vers le massif du Tomor, à plus de 2000m, encapuchonné dans de lourds nuages blancs. La rivière Osumit, boueuse après l’orage, se faufile entre les deux quartiers historiques. Sur une des montagnes qui nous font face, je devine inscrit le mot NEVER. J’apprendrai plus tard sa signification. Pour couronner le tout, un immense arc en ciel enveloppe la cité.

 

Le quartier de Gorica 
Gorica, le quartier chrétien

 

 

La ville nouvelle
La ville nouvelle

 

Arc en ciel sur Berat
Arc en ciel sur Berat

 

Nous découvrons les centres d’intérêts du site au hasard de nos déambulations. La grande tour qui ressemble à la haute cheminée d’un four sidérurgique est en fait  le minaret d’une ancienne mosquée ; de petites églises orthodoxes sans signes ostentatoires se repèrent  au détour d’un angle ; l’acropole et son parvis herbeux permettent à des gosses de jouer au foot sur les ruines de l’ancien palais des Pachas ;  à l’extérieur des remparts, côté nord, une minuscule église orthodoxe typique abrite à ses pieds les baisers d’un jeune couple d’amoureux.

 

Foot sur l'Acropole

Sur l'Acropole
Sur l'Acropole



Pour clore la visite, quoi de mieux que de terminer par un bon restaurant ? Ça tombe bien, Berat est réputé pour ses bonnes tables. Nous ne serons pas déçus en nous asseyant dans la vieille bâtisse ottomane de Koço Plaku. Il  prend tout en main et nous propose de gouter à plusieurs plats, style mezze. C’est parfait. Défilent alors des farcis d’aubergines, de courgettes et poivrons ; des salades avec des olives savoureuses et un fromage féta étonnamment doux. ; des bureks aromatisés à l’aneth ; du poulet au riz pilaf pour les enfants, dont le quart de l’assiette aurait largement suffit ; des douceurs orientales en dessert ; une carafe d’un litre de vin maison et un gros verre de raki pour la digestion. Le tout pour 2 000 leks (moins de 15€). Tout ça dans une ambiance familiale et conviviale où vos hôtes se mettent en quatre pour vous satisfaire. Koço voulait même offrir une peluche à Ivann, qui une fois de plus, remporte un vif succès auprès des autochtones.


Nous causons avec un client grec qui maitrise parfaitement le français, et pour cause, il vit à Genève. Il possède une maison sur Berat et nous raconte un peu l’Albanie à la « libération », quand les gens avaient la crainte de parler avec des étrangers, traumatisés par des années d’oppression et surveillés par le terrible service de renseignement, la Sigurimi. J’en profite pour lui demander la signification du NEVER inscrit dans la montagne, et il me confirme ce que je pensais. A la chute du régime, les gens ont inversé les deux premières lettres du prénom du dictateur, Enver.

 

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